Tableau 10 - Du point
Elle ne tenta même pas de trouver le sommeil.
Elle était lasse bien sûr, comme arrivée au bout d’elle-même, à bout de force mais elle était sereine.
Elle tourna d’abord sur place, lentement, puis finit par se poser là, cherchant le point sans impatience, étalant simplement devant elle les vestiges.
Que faire de cela et où les déposer ?
La fragilité de la chose, la délicatesse, tout cela elle le savait et elle observait pour trouver l’angle doux, celui qui apaise.
Elle respira, repensant au temps qu’il restait à vivre, pensant à ces verbes à mettre au passé, saluant la vie qu’elle sentait toute proche et qu’elle appelait de ses vœux.
Existait-il réellement tant de routes à suivre ?
Elle voulait aller vers elle-même, tendre à cet intime, déposer là sa peau, être de nouveau nue.
Cela ne devait rien au hasard et il y avait bien là un cheminement. Mais il lui fallait, pour aller de l’avant, rompre.
Elle finit par trouver le point à deux doigts de son aorte.
Elle le caressa longtemps.
Elle saisit un couteau et le trancha avec beaucoup d’application.
Elle dégrafa sa poitrine et le déposa là.
Elle ne se retourna pas pour voir la cicatrice qui déjà raccommodait, clouant le chapitre.
Elle ramassa sa veste.
Elle quitta la pièce sans précipitation.
Cette nuit là, elle dormit profondément.
m. pour L’Orchestre Poétique d’Avant-guerre - O.P.A
Extrait du recueil « Fanaison » - 2005
Lecture et libre téléchargement :
Fil Info » O.P.A.