« Léo Ferré a-t-il été important pour vous ? »
Léo Ferré est quelqu’un d’important pour moi. Ma première rencontre avec lui, c’est un cours de français en 3ème. Le prof nous faisait souvent écouter des disques. Ce jour-là, la voix a percé. A l’adolescence, quand on est déjà sensible à la poésie, Ferré vous prend aux tripes et vous ballade où il veut. J’ai eu la chance de le voir en concert. C’était un peu pathétique, il était vieux et fatigué avec sa bande-son sur un magnéto qui fonctionnait mal. La bande n’arrêtait pas de stopper, de ralentir ou d’accélérer, gâchant le moment du partage. Il est parti en nous demandant de ne pas applaudir. C’était sinistre. Mais je me souviens toujours de ce type devant moi, d’une cinquantaine d’années (je devais en avoir vingt). Il a chanté tout le concert. A voix basse, comme s’il priait. C’était bouleversant de voir ça.
Aujourd’hui, je ne peux toujours pas écouter « La mémoire et la mer » sans avoir littéralement envie de pleurer. Je ne peux pas écouter « L’affiche rouge » sans avoir la rage et la haine des guerres. Ferré, pour moi, ce sont ces deux pendants : la poésie à l’état pure, celle qui transcende, s’affranchit des choses matérielles pour faire appel à notre intimité, aux replis de nos chairs et la poésie militante, celle qui prend une arme, la parole, pour alerter et tenir tête.
« Vos racines musicales ? »
Je ne sais pas si on peut parler de racines musicales parce que la musique n’avait pas une si grande place que ça chez mes parents. A la maison, mon père écoutait Brel, Brassens, Ferrat et du Jazz, notamment un disque de Brubeck où j’ai pu écouter le blue rondo à la Turk. Ma mère, c’était plutôt Dalida, Nana Mouskouri.
J’ai fait un tri : j’ai viré Nana Mouskouri et Ferrat. Grâce à ma marraine, Barbara est entrée dans ma vie et n’en est jamais sortie. J’étais jeune quand j’ai écouté pour la première fois « l’Aigle Noir ». Je sais maintenant que ce n’est pas la meilleure chanson de Barbara mais « la petite madeleine » aidant, toujours une petite nostalgie quand je l’écoute. Il y a aussi Higelin, et son album « Champagne », cette vieille cassette pourrie piquée à ma frangine et écoutée en boucle à l’époque. Et puis enfin, un jour de grâce, j’ai entendu « Les écorchés vifs » de Noir Désir.
« Que pensez-vous de la tolérance zéro ? »
Si ce principe devait être justement appliqué, Monsieur Jacques Chirac, Président de la République Française, suspecté à de nombreuses reprises de malversations diverses, ne bénéficierait pas d’une immunité injurieuse à tout esprit démocratique, serait passé devant les juges et dormirait peut-être à l’heure qu’il est en prison.
« Quel serait pour vous le monde idéal ? »
Est-ce que c’est une vraie question ? Non parce que là je vais être obligée de dire des choses terribles : un monde beau avec des gens gentils et heureux.
« Auriez-vous aimé naître ailleurs ? »
Pourquoi aurais-je aimé naître ailleurs ? C’est ici que pour la première fois je pris forme, c’est ainsi et c’est bien. Plus mal lotie, c’est sûr, c’est pas difficile à imaginer. Mieux, je ne vois pas a priori. Je ne dis pas ça parce que je m’adore. Ce que je suis aujourd’hui, c’est parce que je suis née ici. Aimé être née ailleurs ? C’est-à-dire être quelqu’un d’autre ? On s’arrange avec sa vie, on sait bien que ce ne sera pas toujours du gâteau. On sait aussi mesurer la chance. Une fois qu’on a conscience de ça, on a envie d’aller au bout de soi, non ?
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Fil Info » O.P.A.